La science que j’ai toujours préféré étudier, c’est la chimie : les réactions de la matière sont fascinantes. Et j’aimerais vous parler d’un mécanisme simple que nous avons tous étudié au collège (si si, rappelez vous) : la pile. Connaissez-vous cette expression : « t’es une pile » ? Je l’ai pour ma part souvent entendue, avec mon tempérament plutôt dynamique et entreprenant ! Mes enfants, eux, sont plus proches de l’énergie d’une centrale nucléaire, mais c’est un autre sujet. Cette expression signifie donc qu’une personne regorge d’énergie.
Récemment, je réfléchissais à cette expression en me disant que finalement, nous étions peut-être bien tous des piles. Laissez-moi vous expliquer pourquoi…
Cours de vie et chimie
Pour ceux qui n’auraient peut-être plus aucun souvenir de leurs cours de chimie : une pile est la somme de deux demies réactions. L’une est appelée l’oxydation et l’autre la réduction. L’oxydation a lieu à l’anode (le côté – de la pile). La matière est consommée par l’environnement pour libérer des électrons qui vont, grâce au pont entre les deux, nourrir la réaction à la cathode (le côté + de la pile). C’est cette circulation d’électrons qui créer l’énergie.
En somme, si l’on veut que l’énergie circule et que la pile puisse faire briller une lampe, il nous faut ces deux demies réactions (positives et négatives), et ne surtout pas couper le pont entre les deux. Car c’est bien la somme des deux qui crée le mouvement des électrons.
Or, dans la vie, bien souvent, nous aimons les côtés « positifs » et nous avons plus de mal à accepter les côtés « négatifs ». Nous sommes déçus ou frustrés lorsque nous faisons face à des situations qui vont venir consommer notre joie, nos biens, nos envies ou nos certitudes. Nous évoluons dans un monde qui glorifie le parfait, « l’instagrammable », le focus sur la bonne partie, celle qui a du potentiel de séduction et génère plus de likes.
Accepter le mal autant que le bien
J’ai le sentiment d’avoir grandi près d’un homme comme Job, ce fameux personnage dans la Bible qui fascine autant que son histoire peut nous impressionner. Son sort a été décidé dans le Ciel, sans vraiment lui demander son avis. Sa droiture était même plutôt à l’origine des difficultés qu’il a dû traverser, et non des conséquences de mauvais choix qu’il aurait pu faire dans sa vie.
Mon papa est tombé malade du cancer la première fois à l’âge de 24 ans, découvert lors de sa visite médicale pour se marier. Il a entendu qu’il n’aurait peut-être jamais d’enfants. Après des mois de traitements lourds et d’opérations invalidantes pour l’époque, ils ont fondés une famille de trois enfants, ma famille.
Puis un peu avant l’âge de mes douze ans, ma maman a découvert son cancer du sein au stade 4. Les mois et les années de traitements durant, j’ai appris mes verbes irréguliers d’anglais le mercredi en patientant avec l’oncologue dans la salle d’attente. J’ai validé toutes mes heures de conduite-accompagnée en ramenant ma maman de ses séances de radiothérapie, pour éviter le recours aux ambulances, ce qui redonnait du moral à ma maman.
Vous l’aurez compris, j’ai grandi avec ce « pourquoi ?« . Pourquoi arrive-t-il de mauvaises choses à des gens biens, qui croient fermement en un Dieu bon ? Et je dois dire que je me suis longtemps interrogée et longtemps frustrée contre ce Dieu qui ne faisait rien à mes yeux d’adolescente pour que cette maladie disparaisse.
C’est toute la nature de l’échange entre Job et sa femme : « Sa femme lui dit : ‘Tu persévères dans ton intégrité ? Maudis donc Dieu et meurs !‘ Mais Job lui répondit : ‘Tu tiens le langage d’une folle. Nous acceptons le bien de la part de Dieu, et nous n’accepterions pas aussi le mal ?‘. »
« Je suis là. »
Je voyais mes parents toujours plus accrochés à un Ciel qui semblait ne jamais les laisser sans espoir malgré la maladie. Puis un matin de janvier, peu après les fêtes de Noël, une énième récidive du cancer fit surface pour mes deux parents en même temps. À toutes mes interrogations, mon père me répétait souvent : « Il pleut sur tout le monde, les justes et les méchants ».
Cela peut donc sembler facile à dire, qu’il faille accepter que la vie est une double réaction, un mouvement crée par le négatif et le positif. Mais avec ce petit bout de mon histoire, même si je crois que la souffrance n’a aucune échelle de comparaison, je peux affirmer que je sais que ce n’est pas toujours facile.
Pourtant, accepter notre histoire comme la somme des moments qui semblent nous consumer et ceux qui nous poussent vers l’avenir a précisément le pouvoir de nous faire avancer.
Une pile ne peut faire briller que parce qu’elle ne coupe pas le pont entre les deux réactions. Laisse libre le mouvement de la vie, dans les bons et les mauvais jours. Et si tu ne peux pas y mettre des mots, alors accepte l’aide qui te mettra sur cette voie. À chaque jour subsiste un lendemain possible.
Pas d’énergie à gaspiller
La plus belle leçon de toute ma vie, je l’ai apprise auprès de mon cousin né avec une maladie génétique. Depuis tout petit, il grandissait en sachant que sa vie à lui serait plus courte que la moyenne. Un jour, nous sommes partis voir une comédie musicale. À cette époque, peu de gens respectaient les places pour les handicapés. J’étais furieuse, car nous n’avions pas d’endroit pour nous garer et sortir son fauteuil. J’avais voulu rayer les voitures pour manifester ma rage. Mon cousin m’a alors dit : « Marie on a pas le temps pour cela. Pas d’énergie à gaspiller. »
Tout comme nous, une pile a une durée de vie limitée. Un jour, toute la matière sera consommée et la pile s’éteindra. Ce n’est pas un sujet qu’on aime aborder, et pourtant cette perspective est peut être en réalité la plus belle et la plus riche. Car ne pas rompre le pont nous permet de vivre pleinement, en focalisant sur le mouvement et sur l’énergie qu’on veut transmettre autour de nous. Rompre le pont ne fait que nous arrêter, et nous empêche de briller.
Je parle très souvent de mes parents à mes enfants, car ils ne les connaitront jamais autrement que par mes mots. Mais ils auront d’eux ce bel héritage que je leur dois, celui de garder espoir dans les bons et dans les mauvais jours.
La vie vaut la peine, chaque jour qui passe.
Marie Agostini est une femme ordinaire et bourrée de talents et de sensibilité. Diplômée de l’École Nationale Supérieure de Chimie de Lille, elle est aujourd’hui entrepreneure avec son mari et associé David. Ensemble, avec leurs trois enfants, ils vivent dans un joyeux bazar d’amour dans la région bordelaise.
Merci de partager ton histoire et surtout ce que Dieu fait dans ta vie, soit bénie toi et ta famille
« Il pleut sur tout le monde, les justes et les méchants » ❤️